vendredi 23 mai 2014

Mali : un éternel recommencement qui était annoncé…

Les Touareg avaient prévenu : si les autorités maliennes tentaient de venir à Kidal, elles en seraient chassées. Samedi 17 mai, pensant que le bouclier français allait permettre à l’Etat sudiste de réoccuper la totalité du pays, le Premier ministre Moussa Mara est bien venu à Kidal et il en a effectivement été chassé… L’armée malienne s’est ensuite débandée, comme fin 2011 et début 2012.

La guerre qui vient de reprendre au Mali n’aura pas surpris les abonnés à l’Afrique Réelle car, depuis le début de la crise, je ne cesse d’écrire que rien n’a été réglé dans ce pays car :

- En dépit de sa réussite militaire, l’Opération Serval, n’a pas résolu le problème de fond qui n’est pas islamiste, le jihadisme n’étant que la surinfection d’une plaie ethnique millénaire, mais ethno-racial et géo-ethnographique.
- Quant aux élections de l’été 2013, elles n’ont fait  que confirmer la mathématique ethnique locale, l’ethno-mathématique.

Tant que les idéologues - médias, politiques et faux « experts » -, refuseront de voir que le Sahel, monde contact entre les civilisations sédentaires des greniers au Sud et l’univers du nomadisme au Nord, est un Rift racial le long duquel, et depuis la nuit des temps, sudistes et nordistes sont en rivalité pour le contrôle des zones intermédiaires situées entre le désert et les savanes, aucun espoir de solution ne sera en vue.
Tant que ces mêmes idéologues s’accrocheront à l’utopie crisogène et mortifère consistant à vouloir faire vivre dans un même Etat agriculteurs noirs sédentaires du Sud et nomades berbères ou arabes du Nord, la guerre sera  résurgente.

La solution est pourtant évidente : repenser en profondeur l’organisation politique du Mali sur base d’un véritable fédéralisme ou d’un confédéralisme. Mais pour cela, il conviendrait de faire enfin comprendre au pouvoir de Bamako que le Mali « unitaire » n’existera jamais plus. Il n’a d’ailleurs jamais existé.
L’option de sortie de crise pourrait être celle d’une très large autonomie des trois Azawad autour de ses trois grandes composantes ethno géographiques à savoir : la partie sud, le long du Niger, notamment peuplée par des Songhay et des Peul ; la partie nord autour de Kidal, territoire des Touareg et l’ouest saharien « arabe ».

Bernard Lugan
23/05/2014

mercredi 21 mai 2014

Libye : fédéralistes contre islamistes, Berbères contre Frères musulmans. Une recomposition est-elle en cours ?

Trois ans après le début de l’anarchie qui suivit le lynchage du colonel Kadhafi, une recomposition politique semble se dessiner en Libye à la suite de l’entrée en scène de deux chefs militaires, le général Khalifa Haftar en Cyrénaïque et le colonel Moktar Fernana en Tripolitaine.

En Cyrénaïque, la guerre contre les islamistes radicaux est menée par le premier. En Tripolitaine, celle contre le CNG (Congrès général national, le parlement de transition) dominé par les Frères musulmans et Misrata est conduite par le second. Qui sont ces deux hommes ? Quelles sont leurs forces ? Leur éventuelle victoire pourrait-elle ouvrir la voie à la reconstruction de l’Etat libyen ? Eléments de réponse.

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vendredi 16 mai 2014

Budget de la Défense : le tour de passe-passe socialiste

Nos Armées sont de plus en plus engagées en Afrique et elles vont donc devoir disposer de moyens supplémentaires. Comme je l’ai expliqué et cartographié dans le numéro du mois de mai de l’Afrique Réelle, elles vont devoir impérativement tenir quatre verrous (Iforas, zone de la passe Salvador, appendice Cameroun-Tchad et région de Birao) pour tenter d’éviter la coagulation entre les conflits, pour le moment  éclatés, qui  se déroulent à la fois dans la zone sahélo-saharienne et dans l’arc de crise de l’Afrique centrale. Il va donc falloir  repositionner des forces et leur fournir le matériel adapté.
Or, et contrairement à ce qu’affirme le gouvernement et à ce qu’a encore déclaré le vendredi 16 mai le Premier ministre sur les ondes d’Europe 1, le budget de l’armée va encore  être amputé. Mais sans toucher à l’enveloppe globale !!!. Le tour de passe-passe qui serait en préparation est expliqué dans l’entretien qui suit par Philippe Meunier, Député du Rhône et secrétaire de la Commission  de la Défense Nationale et des Forces Armées :

Afrique Réelle : Le gouvernement dément les « bruits » concernant de nouvelles coupes du budget de la Défense. De quelles informations disposez-vous, vous qui êtes Secrétaire de la Commission de la Défense ?

Philippe Meunier : Le gouvernement a laissé "fuiter" dans un premier temps une économie supplémentaire demandée à nos armées de 2 milliards puis quelques jours plus tard de 1,5 milliard. En fait, le gouvernement nous refait le coût de la loi de programmation militaire.

Afrique Réelle : C'est à dire ?

Philippe Meunier : C'est à dire qu'il laisse "fuiter" un certain nombre d'informations volontairement très alarmistes pour retenir au final une solution qui sera jugée moins douloureuse, mais qui sera tout aussi mortifère pour nos troupes.

Afrique Réelle : Le Président de la République et le Ministre de la défense se sont pourtant engagés à de multiples reprises au sujet de la sanctuarisation du budget dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire (LPM)?

Philippe Meunier : C'est exact. C'est la raison pour laquelle je pense qu'ils vont procéder à "un tour de passe passe". Ils ne toucheront pas à l'enveloppe budgétaire prévue dans le cadre de la LPM, mais ils vont transformer les OPEX (Opérations extérieures) en bases prépositionnées sur l'arc sahélien. Or, il faut savoir que ces dernières ne sont pas financées comme le sont les OPEX par le budget général mais par le budget du Ministère de la défense.

Afrique Réelle : Nos Armées auraient donc toujours la même enveloppe budgétaire mais devraient faire face à des dépenses supplémentaires. Ce serait donc de l’enfumage.

Philippe Meunier : Une tromperie de plus.

Afrique Réelle : Mais, si tel était le cas, comment nos Armées arriveraient-elles à trouver les économies nécessaires pour financer ces nouvelles dépenses compte tenu des efforts déjà demandés par la LPM ?

Philippe Meunier : C'est la raison pour laquelle depuis quelques semaines l'actuelle majorité procède dans le cadre de la Commission de la Défense, à un certain nombre d'auditions au sujet de la dissuasion nucléaire afin de réfléchir à l' « utilité » de ses budgets. L'objectif dissimulé de ces auditions est aujourd'hui dévoilé : essayer de convaincre les parlementaires de la nécessité de diminuer notre capacité de riposte nucléaire.

Afrique Réelle : Pour quelle finalité ?

Philippe Meunier : C'est là où nous voyons la perversité de la démarche de l'actuelle majorité : placer  en permanence en concurrence nos Armées pour mieux les dépecer. Cette semaine, Cécile Duflot a proposé à la Commission de la Défense, de récupérer le budget de la composante nucléaire aérienne pour financer les missions humanitaires de l'Armée de Terre en Afrique.
Or, ce marché est le type même du marché de dupes car il aurait pour conséquence d'affaiblir considérablement non seulement nos forces aériennes qui utilisent à 60% les FAS pour des frappes conventionnelles, mais également notre dissuasion, et sans que ce transfert vers l'Armée de Terre ne règle pour autant la question du remplacement de nos équipements conventionnels.

Afrique Réelle Quelles seraient les conséquences de cette politique ?

Philippe Meunier : Envoyer nos hommes au feu sans les équipements adéquats. Faire monter au feu des hélicoptères Gazelle non blindés et laisser nos hommes patrouiller avec des vieux P4 incapables de résister à la moindre mine au Mali et en Centrafrique est un véritable scandale moral et politique. François Hollande est dans la lignée de tous les gouvernements socialistes. Il demande sans cesse à nos Armées de faire la guerre, tout en diminuant leur budget.

Afrique Réelle : Qu'allez vous faire pour empêcher cette manœuvre qui, si elle était avérée, imposerait une diminution supplémentaire des moyens alloués à nos Armées ?

Philippe Meunier : Nous allons continuer à nous opposer au Parlement, alerter nos compatriotes sur la situation dramatique qui frappe nos Armées. Mais il serait  nécessaire pour ne pas dire impératif, que les hauts gradés alertent solennellement le Président de la République sur l'impossibilité qu’auront nos troupes de pouvoir mener à bien les missions qui leur sont demandées dans ce contexte budgétaire délétère.

jeudi 8 mai 2014

Boko Haram, l’esclavage et le manichéisme de Christiane Taubira


Télescopage de l’histoire et de l’actualité, c’est à la veille du 10 mai, jour anniversaire du vote en 2001, de la « loi Taubira » qualifiant la traite européenne, et elle seule, de « crime contre l’humanité », que le mouvement islamiste Boko Haram annonce qu’il va vendre comme esclaves 200 adolescentes nigérianes qu’il vient d’enlever[1].

Pour mémoire, ce fut  à l’unanimité, donc par tous les députés de « droite », et qui plus est en première lecture, que cette loi faisant des Européens les seuls responsables de la traite des Noirs, fut votée avant d’être définitivement adoptée par les sénateurs le 10 mai 2001.
Christiane Taubira a ensuite osé déclarer que sa loi n’évoquait pas la traite négrière musulmane afin que les « jeunes Arabes (…) ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes » !!! (L’Express du 4 mai 2006).
Or, en dépit du manichéisme et des manipulations historiques de Madame Taubira, la traite musulmane qui se rappelle aujourd’hui tragiquement à nos mémoires et qu’elle a volontairement refusé de nommer et encore moins condamner, a bien existé. Elle débuta au VIII° siècle de notre ère et ne prit fin qu’avec la colonisation. Madame Taubira et la totalité des députés français ont donc fait l’impasse sur la vérité historique qui est que, du Sahel à l’Afrique centrale en passant par l’Afrique orientale, ce furent les colonisateurs européens qui libérèrent les malheureuses populations noires[2].
Pour mémoire, il y a à peine plus d’un siècle, entre 1880 et 1900, là même où se déroule aujourd’hui l’Opération Serval, les colonels Gallieni et Archinard détruisaient les sultanats jihadistes, libérant  ainsi les populations noires sédentaires, Bambara et Sénoufo, des raids esclavagistes.
Dans le sud du Tchad et jusqu’au centre de l’actuelle Centrafrique, cette traite dura jusqu’en 1911, jusqu’à la mort du chef esclavagiste Snoussou, tué dans un combat contre les troupes françaises. Ces épisodes sont  à ce point inscrits dans la longue mémoire des populations qu’ils expliquent largement la réaction et les exactions des milices dites anti-balaka  de Centrafrique pour lesquelles les musulmans du Séléka sont vus comme les successeurs des esclavagistes d’hier….


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[1] Pour la situation au Nigeria, voir  l’Afrique Réelle des mois d’avril et de mai 2014.
[2] Voir mon livre Mythes et manipulations de l’histoire africaine. Mensonges et repentance. Particulièrement le chapitre VIII intitulé « La traite négrière fut-elle une invention diabolique de l’Europe ? ». A commander sur ce blog.

samedi 3 mai 2014

L'Afrique Réelle N°53 - Mai 2014


























Sommaire :

Numéro spécial : l'arc de crise de l'Afrique centrale

- Le nord du Nigeria : d’une crise interne à un abcès régional
- Le fragile verrou tchadien
- Les trois guerres du Soudan
- La  guerre du Kivu et la déstabilisation de la RDC
- RCA : D'une guerre ethnique a une guerre religieuse menaçant les équilibres régionaux
- Les quatre verrous de l’Afrique sahélo-saharienne

Editorial de Bernard Lugan :

Ce numéro spécial de l’Afrique Réelle est en totalité consacré aux crises de l’Afrique centrale.
Il est construit autour de cartes qui permettent de comprendre et d’expliquer tout à la fois les différents conflits qui ravagent actuellement cette zone immense et les risques de contagion qu’ils contiennent.

Après la région saharo-sahélienne, une nouvelle ligne de fracture s'est en effet ouverte en Afrique centrale.
Elle court depuis le Nigeria à l'Ouest jusqu'à la région du Kivu à l'Est, touchant le nord du Cameroun, les deux Soudan et la RCA. Or, cet arc de crises est au contact de trois zones instables ou secouées par des conflits permanents et le plus souvent résurgents : la région saharo-libyenne, le Tchad et  la Somalie.
Pour le moment ces conflits sont spécifiques à des régions ou à des peuples ; ils sont donc localisés et circonscrits. Le risque serait leur coagulation ou du moins leur porosité.
Afin d’éviter ce danger, ou du moins pour le limiter, quatre verrous devront être tenus : les Iforas, la Passe Salvador, le nord du Cameroun et la région de Birao en Centrafrique. Une carte est consacrée à cette question.

Dans les années à venir, c'est toute la région qui devra être étroitement surveillée par les forces françaises dont la principale mission est d’ores et déjà très claire : maintenir ou rétablir l’étanchéité entre ces divers foyers crisogènes afin d’éviter leur engerbage.

Nos Armées vont donc avoir besoin de moyens supplémentaires en hommes et en matériel. De nouvelles emprises permanentes sont nécessaires avec des forces pré-postionnées sans lesquelles il est vain de prétendre vouloir mener une politique de présence dissuasive.
La politique qui devra être suivie sera donc l’exact contraire de celle qui avait été définie par le président Sarkozy et qui passait par le quasi dégagement de nos bases, prélude à un transfert de responsabilité aux Etats-Unis. Aujourd’hui, alors que le bilatéralisme a largement montré son efficacité, notamment au Mali, le Livre Blanc  consacre trop peu de place à l’Afrique sud saharienne, hormis l’habituel et consensuel appel à la lutte contre le terrorisme.

L’actuel gouvernement français, pourtant apparemment conscient des enjeux régionaux, ne pourra plus  continuer à raboter les moyens de nos Armées car c’est de leur augmentation qu’il faut au contraire parler s’il veut qu’elles puissent remplir les difficiles missions qui les attendent en Afrique.

Inutile en effet de compter sur les Européens. Leur aide lors de l’Opération Serval fut anecdotique ; quant à leur engagement en RCA, sur le terrain, dans le cadre de l’opération Eufor-RCA, il s’apparente à un « inventaire à la Prévert » : une section d’infanterie estonienne et une autre lithuanienne, une compagnie georgienne, 50 hommes des forces spéciales espagnoles plus 25 Gardes civils, une trentaine d’Italiens, une poignée de gendarmes polonais et quelques Finlandais…