vendredi 13 octobre 2017

17 octobre 1961 : un « massacre » sans cadavres

Comme chaque année à la date anniversaire de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, communistes et socialistes, amis du FLN et militants « anticolonialistes » (sic), vont commémorer un « massacre » qui aurait été perpétré par la police française. Ils se réuniront ensuite sur le Pont Saint-Michel d’où, toujours selon  eux, des dizaines, voire des centaines d’Algériens auraient été précipités dans la Seine.

Le seul problème, mais il est de taille, est que ce « massacre » n’a pas eu lieu… Quant aux noyades, à l’exception de celles pratiquées par le FLN sur les membres du MNA ou sur les Harkis, elles n’ont pas davantage existé…car nous sommes en réalité en présence d’un montage.

Démonstration :

1) Le 18 octobre 1961 au matin, le bilan de la manifestation de la veille parvient à Maurice Legay, directeur général de la police parisienne. Il est de 3 morts. Nous voilà donc loin des dizaines, voire des centaines de morts et de noyés avancés par certains.

2) Or, deux de ces trois morts, à savoir Abdelkader Déroués et Lamara Achenoune n’ont aucun lien avec la « répression » du 17 octobre puisqu’ils ont été tués, non pas à coups de matraque, mais par balle, non pas dans le centre de Paris, mais à Puteaux, donc loin de la manifestation. De plus, le second a été préalablement étranglé….

3) Un mort, un seul, a tout de même été relevé dans le périmètre de la manifestation et il ne s’agit pas d’un Algérien, mais d’un Français « de souche » nommé Guy Chevallier, décédé vers 21h devant le cinéma REX de fractures du crâne. Etait-il un simple passant ou bien un porteur de valises manifestant avec le FLN ? Nous l’ignorons. Fut-il tué lors d’une charge de la police ou bien par les manifestants ou bien par une toute autre cause ? Nous ne le savons pas davantage.

La conclusion qui s’impose à tout esprit doté d’un minimum de réflexion est que la « répression » de la manifestation algérienne du 17 octobre semble n’avoir paradoxalement provoqué aucun mort algérien…

A ces faits, les tenants de la thèse du « massacre » répondent que le vrai bilan de la « répression » policière n’a pu être établi que plusieurs jours plus tard, une fois pris en compte les blessés qui décédèrent ultérieurement, et une fois les cadavres retirés de la Seine. Mais aussi, parce que, terrorisés, les manifestants cachèrent d’abord les corps de leurs camarades.

Trois grandes raisons font que cette argumentation n’est pas recevable :

- Les archives des hôpitaux parisiens ne mentionnent pas une surmortalité particulière de « Nord-Africains » (selon la terminologie de l’époque), durant la période concernée. Même si de nombreux manifestants blessés à coups de matraques y furent pris en charge.

- La police ayant totalement et hermétiquement bouclé le périmètre de la manifestation, l’on voit mal comment des porteurs de cadavres auraient pu passer à travers les barrages.

- Et, in fine, que seraient devenus les cadavres en question ? Ils n’apparaissent en effet pas dans les archives de l’IML, l’Institut médico-légal (la Morgue), où sont transportés les morts relevés sur la voie publique ou repêchés dans la Seine et dans la Marne.

Le « Graphique des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre 1961 », à l’Institut médico-légal de Paris, pour la période allant du 17 octobre au 21 octobre, nous apprend ainsi que:

- Le 17 octobre, alors que se déroulait dans Paris un prétendu « massacre », l’Institut Médico-Légal n’a enregistré aucune entrée de corps de « NA ».

- Le 18 octobre, deux corps de « NA » furent admis à l’IML. Il s’agissait d’Achour Belkacem, qui avait été tué ce 18 octobre à Colombes, donc le lendemain de la manifestation, par un policier invoquant la légitime défense. Le second était Abdelkader Bennahar relevé lui aussi à Colombes et portant des blessures à la tête avec possibilité, dixit le rapport de police, d’écrasement par un véhicule.

- Les 19 et 20 octobre, l’IML n’a comptabilisé aucune entrée de corps de « NA ».

- Le 21 octobre, soit 5 jours après la manifestation, 1 corps fut déposé à l’IML, celui de Ramdane Mehani décédé vers 22h 30 durant son transfert du commissariat du 13° arrondissement au palais des Sports de la Porte de Versailles. Le registre de l’IML parle de mort naturelle, donc, là encore, sans aucun lien avec la manifestation du 17 octobre.

Conclusion : nous sommes donc en présence d’un « massacre » sans cadavres, ce qui s’explique parce qu’il n’y eut pas de « massacre » !!!

C’est donc un « massacre » imaginaire qui va être commémoré le 17 octobre prochain à l’occasion d’une grande cérémonie culpabilisatrice à laquelle des médias incultes ou partisans vont une fois de plus donner une grande publicité.

Un « massacre » imaginaire fruit d’un montage politique fait à l’époque par le FLN voulant peser psychologiquement sur les négociations en cours avec le gouvernement français. Montage qui fut ensuite orchestré par le parti communiste et  plus que complaisamment relayé par les médias…hier comme aujourd’hui.

Pour les historiens du futur ce prétendu « massacre » restera donc comme la fabrication d’un des grands mythes du XX° siècle. A l’image de la manipulation de Katyn, des cadavres de Timisoara en Roumanie, des « couveuses » du Koweit et des « armes de destruction massive » en Irak. Leur principal sujet d’étonnement sera cependant l’insolite caution donnée à un tel mensonge par les plus hautes autorités de l’Etat français sous la présidence de François Hollande…

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samedi 7 octobre 2017

Niger : derrière la mort des soldats américains, l’opposition Peul-Touareg et les conséquences de l’ « embouteillage » sécuritaire

(Cette analyse peut être reproduite à la condition d’en citer la source)

Le 4 octobre 2017 un élément américano-nigérien à ossature de forces spéciales est tombé dans une embuscade à quelques kilomètres de la frontière entre le Niger et le Mali, près de Tongo Tongo, un village situé à proximité de Tillabery. Cette embuscade a fait 4 morts parmi les soldats américains et au moins cinq parmi les Nigériens ainsi que plusieurs blessés. Les véhicules de la patrouille ont été détruits. Qui se cache derrière cette attaque marquant un palier supplémentaire dans le conflit sahélien ?

Pour la première fois, des assaillants viennent donc de s’en prendre ouvertement et dans un combat frontal à une force occidentale. Qui plus est, à des forces spéciales. Jusque-là, les pertes essuyées par les forces françaises étaient essentiellement provoquées par des IED, mines placées sur les axes empruntés par les convois ou les patrouilles. Nous sommes donc en présence d’une montée en puissance des jihadistes car l’embuscade était bien organisée, ses auteurs fortement armés et équipés de véhicules et de motos. Après l’attaque, les assaillants se sont volatilisés dans la savane.
L’attaque s’est produite dans une zone particulièrement propice aux embuscades où les forces armées nigériennes ont déjà subi de lourdes pertes. La question qui se pose est double.

1) Qui sont les auteurs de cette attaque ?

Les autorités nigériennes accusent les groupes jihadistes maliens, notamment deux organisations, l’Etat islamique du Grand Sahara (EIGS) et le Jamat Nosrat al-Islam, nouveau mouvement apparu au mois de mars 2017 et dont le chef est Iyad ag Ghalid, un chef touareg malien de la grande tribu des Ifora passé au jihadisme et affilié à Al-Quaida.
Or, nous devons bien voir que dans cette région, le paravent islamique cache le cœur de la question qui est une fois de plus l’ethnie. Comme je ne cesse de le dire depuis plusieurs années, le jihadisme sahélien est d’abord, la surinfection d’une plaie ethnique. Ici, tout se greffe en effet sur l’opposition entre Peul (Fulani), Touareg, Touareg Imghad et autres groupes, engagés dans une féroce compétition, d’abord pour le contrôle des trafics, mais aussi des points d’eau et des pâturages. Depuis plus d’une année, sous paravent islamique, se cache en réalité une terrible guerre ethnique qui oppose ces deux populations d’éleveurs nomades et qui a fait des dizaines de morts.
Dans cet imbroglio, certains Fulani (Peul) se sont jihadisés afin de pouvoir lutter contre leurs rivaux et concurrents, notamment, mais pas exclusivement, les Imghad. Ces derniers qui ont été armés par le Mali pour lutter, certes contre les jihadistes, mais d’abord contre les Iforas, profitent de la situation pour s’en prendre à leurs rivaux ethniques.
Les jihadistes ont beau jeu d’attiser ce conflit millénaire. Ils légitiment ainsi la réaction des Peul par les grands jihad des XVIIIe-XIXe siècles, quand le paysage politique de l’ouest africain sahélien fut remodelé par leurs ancêtres qui constituèrent alors de vastes Etats inspirés par le jihad. Alimentés à la fontaine du mythe, bien des jeunes peuls se sont mis à rêver à des destins comparables à ceux d’Ousmane Dan Fodio (1754-1817), fondateur de l’Empire de Sokoto, de Seku Ahmadu (1773-1844), qui créa l’empire peul du Macina ou encore à Omar Tall dit el-Hadj-Omar (1796-1864) fondateur de l’empire Toucouleur ou Torodbe qui s’était fixé pour but l’islamisation de l’Ouest africain.

Alors, certes, ce sont bien des jihadistes qui ont mené la sanglante embuscade du 4 octobre 2017. Mais en prenant appui sur la marqueterie ethnique régionale. Il est donc une fois de plus essentiel de voir ce qui alimente ce jihadisme. Pour cela, cessons d’analyser la situation en termes « globaux » ou en parlant de déficit de démocratie, de « développement » ou autres fadaises ânonnées ad nauseam par le politiquement correct ou le psittacisme journalistique. Autrement, le combat sera perdu par avance.

2) Du danger de l’ « embouteillage sécuritaire »

Dans de précédents articles ou communiqués, j’avais fortement mis en garde contre la multiplication des structures de lutte anti-jihadiste au Sahel. Elles constituent en effet une juxtaposition de forces dont la coordination est moins rapide que la prise de décision unique par les responsables jihadistes.
Le coup très dur qui vient d’être porté aux forces spéciales américaines illustre hélas mon propos. Ces dernières ont deux emprises régionales, à Aguellal et à Diffa, plus des éléments équipés de drones à Agadez ainsi qu’une emprise sur l’aéroport de Niamey. Leur connaissance du terrain est technique et disons-le « livresque ». Il leur manque la « profondeur historique » et pour tout dire cette connaissance de la géopolitique ethnique régionale que notre vieille Infanterie de marine, la « Coloniale », possédait sur le bout des doigts.
Aux forces américaines, viennent s’ajouter régionalement diverses composantes onusiennes, d’autres issues de l’Eurocorps. Ce mille-feuilles sécuritaire est également composé d’armées nationales, de forces conjointes issues de ces mêmes armées nationales, de milices ethniques anti-jihadistes et maintenant du G5 Sahel…Un véritable volapük militaire qui prête le flanc à toutes les catastrophes. D’autant plus que ces forces enchevêtrées et qui, toutes, luttent en principe contre les jihadistes, doivent de plus être coordonnées avec la colonne vertébrale du dispositif qui est Barkhane...
Depuis la nuit des temps, l’expérience a pourtant appris trois choses aux militaires :
1) La nécessité de l’unité du commandement
2) La connaissance du terrain
3) L’identification de l’ennemi que l’on combat

Bernard Lugan
07/10/2017

mardi 3 octobre 2017

L'Afrique Réelle N°94 - Octobre 2017


























SOMMAIRE

Dossier : Angola
- Une économie du tout pétrole sinistrée
- Une guerre civile de 25 ans

Dossier : Algérie
- Les dessous de l’éviction d'Abdelmadjid Tebboune
- L’armée pourrait-elle jouer un rôle dans le dénouement de la crise politique et institutionnelle ?
- Entre désindustrialisation et effondrement de la rente pétrolière
- A travers la presse algérienne

Histoire :
La question «berbériste »


Editorial de Bernard Lugan :
Algérie et Angola : le double naufrage

En Algérie et en Angola, la chute des prix du pétrole a mis au grand jour les graves problèmes communs à ces deux pays, tous deux créations coloniales dont les mouvements de libération furent militairement vaincus par les forces de l’ancien colonisateur. 
Contrairement à ce que prétendent les histoires officielles de ces deux pays, ce n’est en effet pas par les armes que les indépendances ont été obtenues, mais parce que Paris et Lisbonne en décidèrent ainsi. En donnant le pouvoir aux deux fractions les plus extrémistes de leur prisme politique nationaliste, à savoir le FLN en Algérie et le MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola) en Angola. 
Résultat, les deux pays ont immédiatement connu deux guerres civiles. En Algérie, l’insurrection kabyle fut vite réprimée, mais en Angola, l’UNITA poursuivit le combat jusqu’en 2002. 

L’Algérie et l’Angola ont pareillement vécu de la monoproduction des hydrocarbures et n’ont pas diversifié leurs économies : 90% de leurs exportations et 80% de leurs recettes fiscales ont ainsi pour origine le pétrole. 
A l’époque coloniale, Portugais et Français avaient au contraire créé des économies diversifiées et prospères, reposant sur un maillage de PME particulièrement performantes et sur une agriculture florissante et exportatrice. 

Depuis les indépendances, les deux pays sont dirigés par les mêmes partis, FLN et MPLA, dont les clans ont fait main-basse sur l’économie. 
Tous deux sont minés par la corruption et les dépenses publiques y servent à acheter la paix sociale. Le taux de chômage y est dramatiquement élevé (estimation 55%) et tous deux ont hérité des pesanteurs de la période socialiste avec notamment un nombre élevé de fonctionnaires venant plomber le déficit public[1]. 

La principale différence est politique. En Angola, le régime s’est maintenu aux affaires car le MPLA a fait élire Joao Lourenço, un apparatchik, pour succéder à José Eduardo Dos Santos resté 38 ans au pouvoir.
En Algérie, le régime cherche à faire de même. Or, à la tête du pays depuis 1999, soit plus de 18 ans, le président Bouteflika connaît une dramatique fin de règne. 
Rendu impotent par la maladie, n’ayant plus prononcé de discours public depuis le 8 mai 2012, moribond et subissant en même temps l’agonie de l’économie algérienne, il n’exerce plus une fonction passée aux mains d’un clan familial et de quelques obligés. 
Risquant de devenir les victimes expiatoires du naufrage algérien après la mort de leur chef, ces derniers ont bien compris que leur survie passe par la conservation du pouvoir. Voilà pourquoi ils font tout pour tenter de le garder. Ce qui se passe actuellement en Algérie s’explique par cet impératif.

[1] L’Algérie compte 2.020.172 agents publics, soit 1.608.964 fonctionnaires et 411.208 contractuels (Direction générale de la fonction publique) pour une masse salariale de 2.600 milliards de dinars (1 dinar algérien = 0.00749 euros.)